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Lady Whisky Purge

20 avril 2014

52 kilos de gras

T'es comme ça, toi. Tu te vautres dans l'échec, tout le temps. Tu ruines ton corps, tu ruines ta vie, tu ruines tout. Au moins, t'es radicale, comme fille. T'as un programme bien défini : rater tes études, rater ta vie, exploser à force d'être une grosse merde. C'est beau comme l'apocalypse. 

Tu crées une belle cohérence entre ton échec scolaire et ton échec physique. Tu te vautres dans ta médiocrité jusqu'au bout. Tu essaies de te rassurer et de penser au meilleur de toi-même : t'as déjà réussi, après tout. Et puis t'es pas si mauvaise et puis t'es pas si grosse et puis t'es pas si dégénérée. Alors tu ne fais rien, tu bouffes, tu roules dans ton gras jusqu'à t'étouffer mais tout va bien : t'es pas si... médiocre. 

Puis la réalité te rattrape vers une heure du matin, après beaucoup de musique et beaucoup d'eau, tu te lèves, tu vas gerber et comme t'as attendu trop longtemps, c'est trop acide, ça te fait tellement mal que tu t'étouffes. Tu te relèves, tu vas voir ta sale gueule bouffie dans le miroir, tu croises tes yeux injectés de sang et tu te dis "Il va falloir trouver une punition". 

C'est quand même drôlement minable de devoir te punir comme un enfant alors que tu sais qu'à chaque fois que tu essaies de faire la révolution pour accepter ton corps, ça ne marche pas, tu deviens juste une vieille limace grasse et fainéante qui ne vaut rien. Tu ne devrais même pas te poser la question ou essayer quoi que ce soit d'autre que de t'imposer une vie de rigueur, cette vie d'avant, cette vie parfaite de quand t'étais assez mince et folle pour réussir. 

Cette ivresse te manque. Alors tu te balances une punition : plus jamais de pesée le matin, à jeûn. Ta pesée, c'est tous les soirs maintenant. Après manger. Jusqu'à ce que tu maigrisses vraiment, jusqu'à ce que tu arrêtes de manger toute la journée comme si t'allais mourir de pas enfoncer des trucs gras et sucrés dans ton estomac. Maintenant, tu vas devoir assumer, tous les soirs, avant d'aller te coucher, ce poids qui te fait honte, ce poids qui est inacceptable, ce poids qui symbolise tous tes échecs et ton cruel manque de sang froid, ton cruel manque de contrôle

Mais qu'est-ce que tu croyais ? Tu croyais vraiment qu'en te regardant longuement dans le miroir et qu'en essayant de t'aimer quelque chose allait changer ? Tu ne peux pas aimer ce corps-là, tu ne peux pas aimer un corps qui en dit autant sur ta médiocrité. T'es médiocre, t'es pathétique, tu te fais honte.

Tu ne peux plus vivre avec toi-même. Tu n'as plus qu'à réussir ou mourir, parce que tout cela ne changera pas.

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30 mars 2014

48 kilos de maux

Tu es fatiguée, tu es épuisée, tu voudrais dormir jusqu'à ne plus avoir à vivre ; pourtant t'es qu'une gamine, tu ne fais pas grand chose de toi. En fait, tu n'es pas grand chose. Tu n'as aucune raison de ressentir cette lassitude profonde, cette fatigue extrême, ce froid incessant... Tu n'as plus que le désir de rester allongée dans ton lit, nichée dans la chaleur de tes couettes, la face enfoncée dans les coussins, serrant contre toi des peluches douces comme la peau d'un joli garçon. 

Et tu as mal. Ta gorge te brûle et chaque respiration est un calvaire. Le moindre souffle est une horreur, la déglutition est le coup de grâce. Ça dure quelques heures, c'est fourni avec le lot de maux de ventres et d'étourdissements légers, si légers que personne ne peut s'imaginer que tu es sur le point de tomber, que tes yeux voient des petits points étranges... 

Mais finalement, ça dure plus longtemps que prévu. Tu ne sais même plus quand est-ce que tu as purgé, tu ne sais même plus ce que tu as rendu ni pourquoi. Tu ne sais plus rien ; tout ce dont tu te souviens, c'est que cette fois-ci, une marque est restée quelques heures sur le dos de ta main, contrairement aux autres fois. D'après ton carnet-diète, l'ignoble incident a eu lieu il y a plus de huit jours déjà. Déjà huit jours que ton ventre te fait souffrir, que ta gorge te brûle, que tu as l'impression d'avaler des aiguilles à chaque déglutition malheureuse. 

C'est tellement long. Et, le plus odieux, c'est que là, maintenant, tu as quand même la nausée, tu as quand même envie de t'enfoncer tes doigts maigres dans le fond de la gorge, de déchiqueter cette gorge avec ces ongles, de faire jaillir la gerbe qui va te délivrer. Tu es pleine, ronde, énorme, ton ventre est enflé et surtout, quelle chaleur tu ressens soudainement ! Toi qui avais si froid, tu ne supportes plus cette sensation de chaud qui accompagne la nausée. 

Mais tu vas tenir, cette fois-ci. Malgré l'envie, malgré l'occasion, malgré tout ; tu n'iras pas t'agenouiller devant l'autel de la honte pour vomir une immonde pâte granuleuse. Tu n'as plus envie de souffrir autant, de passer la moitié de ta vie à craindre pour ta gorge, pour ton estomac, pour ton oesophage, pour toute cette merde qu'est ton corps. Tu as de meilleures ambitions, pour toi : contrôler ce corps pour ne plus avoir à te mettre à genoux

22 janvier 2014

49 kilos de solitude

Je crève de solitude. Je n'ai jamais été entourée comme il le faudrait. Outre le harcèlement scolaire qui a pourri chacune de mes années à l'école, de la maternelle jusqu'au lycée, je n'ai jamais su me faire des amis. J'ai eu des fréquentations, j'ai cru avoir des amis ; je me rendais compte à chaque fois que, finalement, je n'étais que cette camarade de classe complètement fade qu'on n'a absolument pas envie de côtoyer à l'extérieur des cours. 

Aujourd'hui, je suis à la fac, j'ai dépassé la sacro-sainte licence et je suis toujours aussi seule. Je n'ai pas de meilleure amie. C'est mon rêve secret, d'avoir une meilleure amie. Et c'est sans doute le rêve le plus pathétique dans l'existence d'une femme qui a dépassé dix-huit ans. Qui n'a pas une meilleure copine après cet âge fatidique ? Qui se retrouve encore seule à gérer ses angoisses, à faire du shopping, à aller au cinéma, à bientôt 22 ans ? Qui ? Une demeurée de mon espèce. J'ai connu toutes sortes de gens, des extravagants, des prétentieux, des méprisants, des rebelles, des cyniques : tous avaient un ou une meilleure ami•e. Chacun a son ami de toujours.

Il n'y a que moi qui suis assez ratée pour n'avoir personne à qui me confier, qui n'a pas cette copine qui va t'inciter à acheter ce pull trop moulant même si t'es grosse en te disant que t'es mignonne, je n'ai personne. Je n'ai pas de copine à appeler à minuit parce que j'angoisse, je n'ai pas de meilleure amie pour m'inviter chez elle passer un bon moment pour oublier mes galères. Je n'ai pas cette copine avec laquelle on s'échangerait des petits cadeaux pour les grandes occasions, avec laquelle je pourrais m'amuser, rire, me confier, être entièrement moi même, manger trop sans avoir honte.

Je n'ai pas ça. Je n'ai jamais connu ça. J'ai regardé ça chez les autres. J'ai vu des copines se déchirer, se tourner un peu vers moi, retourner se jeter dans les bras l'une de l'autre. J'ai senti des affinités se créer, j'ai cru parfois que ça commençait à arriver, un truc un peu sérieux, un peu vrai. Une relation dans laquelle je serais un peu priviligée... J'ai simplement cru parce que finalement, j'ai toujours fini par apprendre qu'on m'avait caché un anniversaire, une fête, une sortie. Moi je donne mon cœur et mes tripes à n'importe qui, finalement, sans le dire : je suis un chien fidèle, mais rien de plus. Et elles ne savent pas, toutes ces meilleures amies potentielles qui ont déjà rencontré depuis longtemps "leur copine de toujours", qu'elles m'ont brisé le cœur.

Elles ne savent pas ma solitude, elles ne savent pas mes pensées pour elles, elles ne savent pas mon admiration pour elles. 

Je suis pathétique. J'ai honte. Encore une fois. 

 

 

8 décembre 2013

49 kilos de rage

Pesée matinale. Pesée de l'échec. Pesée de l'impatience. Pesée de l'insupportable

Mon ventre est sur le point d'exploser. Je n'en peux plus d'être comme ça. Je n'en peux plus d'être déçue. Je n'en peux plus d'être grosse à ce point. Mais bon sang, fais quelque chose ! Ça me rend folle d'être aussi énorme. Je ne peux plus m'habiller, tous mes vêtements exhibent mon ventre obscène. J'ai honte toute la journée. Je ne supporte plus tout ça. Il faut qu'il parte, je ne le supporte plus. Mon ventre est une horreur qui me rappelle chaque jour tous mes échecs. 

Et mon poids. Mon poids est ignoble, indécis, hors norme. Comment peut-on être aussi proche des 50 kilos quand on est aussi petite ? Mais quelle honte. J'ai honte de ce poids. Je n'ai pas seulement honte de mon corps, j'ai également honte de ce qu'il pèse, de sa lourdeur. Je n'ai pas envie d'être lourde, ça ne fait pas partie de mes rêves. Ça me rend folle. Je suis folle de rage, ce matin. Je suis folle de rage en regardant ce bide gigantesque, gonflé et douloureux. Mais quelle petite merde je suis. C'est de ma faute si je suis comme ça. 

Et puis c'est un peu de la vôtre aussi. Vous m'avez fait croire que j'étais mince ; j'étais grasse. Maintenant je suis une grosse dinde abjecte ! C'était brillant comme idée. Vos jérémiades, votre morale stupide m'ont fait sombrer encore plus. J'ai cru que moi, je pouvais manger, à loisirs, comme tout le monde. Mais je ne suis pas comme tout le monde ; moi, je grossis, j'enfle, j'explose. Mes kilos me bousillent le corps comme un fardeau immuable. Je ne peux pas être comme ça, c'est tellement affreux. Vous ne vous rendez pas compte de ce que je vis. Vous n'imaginez pas le malaise, la nausée, la culpabilité permanente.

Je veux être légère, fine, une poupée qu'on peut briser, une créature délicate, pas une grosse truie, bordel. Je suis ratée. Je suis ratée et je prends toute la place. Ça me rend malade.

Regardez comme je suis faible et grosse ! Regardez comme je suis ridicule quand je m'assoie ! Regardez la graisse, regardez les bourrelets, regardez comme je me noie dans l'échec. Regardez la grosse merde que je suis ! Voilà ce que crie mon corps à qui le voit.  

7 décembre 2013

49 kilos de faim

J'ai faim. Je n'aime pas encore tout à fait cette sensation aussi rassurante qu'obsédante. Il y a des journées lors desquelles manger peu ne me procure aucune gêne sinon cette légère frustration de ne pas pouvoir dévorer des aliments ponctuellement attirants ; et il y a ces journées entêtante, fatigantes. J'ai mal au crâne, mon estomac crie famine, mes mains sont glacées et me chatouillent de l'intérieur. C'est une sensation bizarre qui me met mal à l'aise, qui me donne envie de me couper tous les membres.

J'ai passé ma matinée à travailler et je n'ai pas mangé au petit déjeuner parce que je n'avais pas envie de sortir de ma chambre et encore moins de faire enfler mon ventre tout de suite. À moitié ensommeillée, j'ai enchaîné les dossiers et les rectifications que j'avais à faire sur ceux que j'avais commencés. Ensuite, j'ai attendu patiemment, c'est-à-dire en faisant trois fois le tour de l'appartement et en maudissant le monde entier, que mon père sorte de la salle de bain pour que je puisse me peser. Ma balance fait un bruit insupportable, c'est difficile de se peser discrètement et dans la mesure où je me pèse tous les jours, je tiens à garder mes pesées secrètes. Sait-on jamais... 

J'ai inspecté discrètement la cuisine afin de me tenir au courant des choix alimentaires de mes géniteurs pour ce samedi ensoleillé. C'est toujours une angoisse de découvrir ce qui a été préparé. Et si c'était gras ? Si je connais pas les calories d'un aliment et qu'en cherchant sur la boîte il n'y a rien écrit, c'est la panique, j'essaie de deviner le poids, le mode de cuisson, je cherche partout sur Internet des indications.  

Je regarde sur la table : salade composée. Putain, j'espère qu'il n'y a pas d'œufs ! Je jette un œil dans le four. Il y a un plat, qui semble gratiné. Merde, du fromage, je suis cernée. Je fais rapidement le calcul, j'essaie de deviner combien de calories vont orner ma journée ; je ne veux pas que mes efforts des jours précédents soient ruinés. Je devrais faire du sport pour éliminer tout ça : mais je suis fatiguée, si fatiguée.

Mon crâne est lourd, mon corps est lourd et mes mains me chatouillent... 

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4 décembre 2013

49 kilos de shopping

J'adore les beaux vêtements et les chaussures aux talons vertigineux. J'aime les choses très chics et élégantes, j'aimerais ne porter que de jolies pièces avec de la dentelle, de la soie, des effets cuirs... Des tissus qui brillent, des jolies formes avec des petits nœuds, des rubans. J'aime que mes habits soient féminins, sans doute un peu trop. J'aime tellement l'élégance et la finesse

Mais le shopping, c'est une activité qui confine à l'horreur quand on déteste son corps. J'ai passé mon adolescence à pleurer dans les magasins lorsque je devais m'acheter de nouvelles fringues. Toutes les autres filles adoraient s'acheter des vêtements ; moi, je redoutais ça. Et finalement, malgré les années en plus, malgré ma sortie de l'adolescence, j'ai envie de vomir quand je me retrouve dénudée face à ce grand miroir qui me renvoie à la figure tout ce que je déteste. Le moment où j'enfile un vêtement et où je réalise qu'il ne me va pas est profondément dramatique : j'ai envie de pleurer. Je touche mon ventre comme si je découvrais son existence « Ah tiens tu es là toi ? J'avais oublié à quel tu me pourrissais la vie ». Je suis ridicule. Je pense à l'énorme différence qu'il y a entre le mannequin de plastique et moi. 

J'ai peur que les gens voient mon ventre. Ça m'obsède. Je me sens mal toute la journée quand je sais qu'on voit mon ventre, énorme, gourmand, obscène. J'ai l'impression qu'il n'existe que pour me ridiculiser « Hey, regardez la grosse qui s'empiffre ». Je sais que les gens le regardent et le jugent. Je sais que quand je m'assoie ils jettent un petit coup d'œil sur ces bourrelets que j'essaie désespérement de cacher. Comment manger devant eux sans avoir honte ? Je sais ce qu'ils pensent tous, discrètement, sans oser vraiment le dire.

Je suis flasque et comique. Je suis drôle et repoussante. Je n'ai rien d'humain. 

Je m'effondre souvent dans la cabine soit en pleurant soit en arrêtant soudainement tous mes essayages. Parfois je n'essaie même pas les articles : me voir dans le miroir suffit à me faire comprendre que ce petit haut est dix fois trop petit et ne cachera jamais cette protubérance molle qu'est mon affreux ventre. Je culpabilise d'avoir autant mangé. C'est vrai, après tout, si j'avais tenu correctement mes milliers de carnets-diètes, je serais rentrée dans cette boutique la tête haute, j'aurais pris ce petit haut, l'aurait enfilé, aurait aimé l'image dans le miroir : j'aurais été fière de moi et victorieuse

Parfois, je pousse le vice jusqu'à essayer une tenue trop petite pour moi pour me montrer comme je suis ridicule avec ce jean que je ne peux pas fermer ou avec ce haut qui ne parvient pas à passer l'obstacle du ventre dégoûtant. « Tu serais rentrée dedans si tu avais tenu, si tu avais moins mangé, si tu avais été moins pathétique. » J'ai tellement honte. 

 

 

3 décembre 2013

50 kilos d'exaspération

Il y a un échec que je trouve tout particulièrement horrible : l'échec qui croît lentement dans la journée jusqu'à exploser dans la gorge. Je sens toujours monter la crise. D'abord, je commence par fantasmer sur des aliments précis, sans vraiment m'en rendre compte, insidieusement. Je ne me suis pas nécessairement privée la veille, j'ai même parfois trop mangé. Je pense à ces aliments comme l'on pense à de bons souvenirs ; je n'ai pas forcément faim, d'ailleurs. Ils représentent simplement l'idéal d'un interdit

Je vois défiler dans ma tête des bonbons gélifiés pleins de couleurs, des morceaux de réglisses fourrés à la pâte d'amande, des carrés de chocolat, de la pâte à tartiner fondante... Tout ce qu'il y a de plus sucré et de plus proscrit fait une délicieuse danse dans mes honteuses pensées. J'imagine aussi des tuiles au paprika, des chips au poulet craquantes, des hamburgers moelleux, des frites croustillantes, des sandwiches énormes, du fromage coulant, de la charcuterie trop salée. Parfois je pense à d'autres mets sucrés, des desserts, du tiramisù bien frais, de la tarte aux noix, des éclairs au chocolat et des religieuses. Je reviens alors sur des plats salés, des pizzas recouvertes de fromage fondant, des croque-monsieur grassouillets, des sablés au parmesan bien fermes. Ces images de bouffe tournent dans ma tête et me bouffent. Je sens mon désir s'accroître. Le désir de tout avaler, tout engouffrer, tout ce que j'aime, tout ce qui me plaît, tout ce qui me fait envie. Tout. 

Je suis enfin libre. Je vais faire une course, pleine de honte ; Je vais m'acheter ce qui me fait rêver depuis la matinée et qui m'empêche de penser sereinement. J'ose à peine choisir l'objet de mon délit dans le rayon. J'espère que personne ne me voit et je rentre le ventre pour leur faire croire que je suis mince, que j'ai parfaitement le droit de m'acheter un produit aussi calorique. Mais arrivée chez moi, la culpabilité me ronge d'avance ; alors, pour ne pas craquer, je me fais un petit en-cas sain, comme tous ces connards de nutritionnistes le conseillent aux gens comme moi. Le petit en-cas sain avalé, je pense encore et toujours à ces aliments qui me font fantasmer. Pour faire diversion, je mange autre chose. Puis autre chose. 

Ça y est. La crise a commencé. Puisque ma journée est foutue et que je ne suis plus en mesure de penser, je me jette sur mon petit achat. J'engouffre tout, sans réflexion mais avec grande démesure. Je me sens monstrueuse et laide mais là n'est pas question : il faut que je mange, je n'en peux plus, mes propres lamentations sont incapables de m'arrêter. Et si l'on me surprenait ? L'idée que l'on me voie m'affole : je dévore tout très vite, sans même vraiment savourer. J'ai la nausée, je n'ai plus faim depuis longtemps mais l'angoisse est tellement présente que je continue. Je me gave de tout dans un ordre improbable ; d'abord les biscuits au chocolat, après le fromage et le saucisson, maintenant des bonbons, il me faut encore du pain, mais je veux encore du chocolat, peut-être encore un peu de fromage ?

Le moment d'arrêter apparaît de lui-même : quand je ne peux plus avaler quoi que ce soit. Je suis pleine à ras bord. Je suis malheureuse. J'ai repris mes esprits et je commence à compter les calories. Je me retiens de vomir, souvent. Parfois, je ne vomis même pas et je me traîne jusqu'au lendemain ; je pleure en regardant mon ventre et mes cuisses, je culpabilise et la seule pensée qui me calme est la suivante "Demain, tu recommences ta diète, tu fais de l'exercice, tu tiens longtemps cette fois-ci, tu vas devenir maigre et puissante". Et si ces mots sont incapables de me soulager, les doigts s'en chargeront, un petit peu. 

 

1 décembre 2013

50 kilos de gerbe

Ce que je déteste le plus dans cette double vie, c'est la nausée, le vomi, la gerbe. C'est quand tu tires tes cheveux vers l'arrière comme si tu te punissais toi-même et que tu enfonces tes doigts dans le fond de ta gorge, que tu sens ton estomac se contracter soudainement en faisant remonter un liquide pâteux, plein de morceaux infects, qui te brûle tout l'intérieur. Rien n'est propre dans tout ça. Tu fais gicler ton vomi partout dans un délicieux bruit d'indécence, ta main est recouverte des petits morceaux que tu aurais dû prendre le temps de mieux mâcher au lieu d'avaler toute ta bouffe goûlument comme une ogresse. La seule chose plaisante dans l'acte maudit réside dans le fait que, trop occupée à employer les meilleures techniques possibles pour rendre beaucoup en peu de temps, tu ne culpabilises plus. Finalement, tu ne penses qu'à peu de choses : faire ce que tu as à faire dans des conditions optimales. 

Quand tu enfonces tes deux doigts bien au fond de la gorge pour appuyer sur ce petit point magique qui te fera déverser tous tes péchés de truie, tu découvres une partie de ton corps parfaitement douce et moelleuse. Quelle ironie ! Quand j'ai découvert cette zone douillette, je me suis exclamée en mon for intérieur, entre deux expulsions abjectes « Doux jésus ! Je comprends cet engouement pour les gorges profondes ». Misérable femme que je suis, même dans les instants les plus pitoyables et méprisables de ma vie, je pense à des choses obscènes et drôles. Qu'est-ce que tu croyais ? Moi, je vomis burlesque.

Accroupie comme un monstre, tu halètes, tu éructes, tu dégueules, tu te vides, tu te purges, tu te purifies, mais quand tu as fini ta petite affaire, la culpabilité retombe lourdement sur tes petites épaules. Évidemment que, après avoir vomi sur tes propres doigts pour la seule raison que prendre un gramme te met mal à l'aise, tu n'es pas spécialement fière de toi. Pire, tu penses au repas qui a été préparé pour toi, avec amour. Et par stupidité, caprice, indécence, toi tu le rejettes dans la cuvette des chiottes... Oh, tu fais vraiment une fille formidable. 

Quand c'est fini, tu regardes un instant le filet de bave glaireuse qui coule encore de ta bouche grande ouverte. Souvent, tu t'es morvée dessus et tu as pleuré en forçant trop. Ta face finale est épique : qu'est-ce que t'es belle, avec ta gueule bouffie, tes yeux rouges et ton nez qui coule.

Allez, essuie-toi les mains sur le papier toilette et vérifie que tu n'as pas de vomi dans les cheveux, comme la dernière fois

1 décembre 2013

50 kilos d'échec

Je suis ignoble. J'ai le cœur au bord des lèvres, le ventre rond comme un œuf, prêt à exploser ; ma gorge me brûle comme si le vomi  remontait déjà tout seul jusqu'à mes lèvres sèches et je me noie honteusement dans mes plis de graisse. Je suis ridicule comme un personnage de farce et je suis au moins aussi angoissée qu'une créature imaginaire de Molière. J 'ai le dos courbé, je suis sale, mes longs cheveux de princesse répugnante sont gras, l'ongle de mon pouce est fêlé. L'infâme portrait que je brosse de moi-même ne saurait révéler à quel point je suis immonde.

Si vous imaginiez qu'un être laid conscient de son malheur peut être une bonne créature, vous vous apercevrez bien vite que vous étiez terriblement naïfs. Je serais capable de vendre mon âme au diable pour être belle. J'aime l'excellence et je n'ai toujours été qu'une pauvre bête enfoncée dans l'échec. La honte et la chute ont su me rendre particulièrement abjecte ; je vis dans le mensonge depuis des années. Si quelques fois j'ai avoué mes délicieux crimes, jamais mes confesseurs n'ont imaginé jusqu'où j'étais allée ni ce que je cachais encore. J'ai menti aux personnes les plus douces, les plus gentilles, les plus délicates avec moi. 

J'ai rarement menti avec des scrupules. Raconter des mensonges ou cacher des choses font tellement partie de mon quotidien que je n'y vois désormais aucun mal ; c'est un fait simplement nécessaire, une manœuvre habile pour conserver la paix dans ce tendre foyer qui ne mérite pas de voir à quel point cette fille médiocre excelle dans la bêtise et le sordide. Laisser découvrir cette vérité sur ma personne serait une telle souffrance pour ces gens que j'aime qu'il est de mon devoir de la taire. 

Malheureusement, comme je suis lâche, je souffre beaucoup de ma situation. J'aimerais beaucoup me confier à quelqu'un et lui dire sans retenue tout ce que j'ai fait de mal et j'aimerais me plaindre pendant des heures sur ce que je suis. Les êtres humains sont généralement peu compréhensifs et peu tolérants envers les vices d'autrui. Lorsque j'osais parfois, au détour d'une conversation, parler de ces petits tracas qui me faisaient m'agenouiller dans des chiottes pour le plaisir brûlant de la purge nocturne, je n'entendais que sermons et phrases aussi maladroites que douloureuses. Personne n'a jamais su trouver les mots et je ne suis prête à rien entendre. En revanche, je suis prête à écrire et à révéler ce chemin morbide que j'ai pris, pleine de complaisance, dans ce fiasco total. 

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